L'influence du cycle sur le cerveau

par Gaëlle Etienne


On sait depuis longtemps que les hormones du cycle menstruel influencent l’humeur, l’énergie ou encore les performances cognitives. Mais une question reste fascinante : ces variations hormonales laissent-elles une empreinte visible sur la structure même du cerveau ?

C’est exactement ce qu’a exploré une équipe de chercheurs américains (Rizor et al., 2024), en utilisant une imagerie cérébrale très avancée. Leur étude montre que le cerveau féminin n’est pas statique : il se transforme subtilement au rythme du cycle, sous l’effet des fluctuations hormonales.

Comment l’étude a été menée ?

30 jeunes femmes (18 à 29 ans), sans contraception hormonale et avec des cycles réguliers, ont participé à l’expérience.

  • Elles ont passé des IRM cérébrales à trois moments clés : pendant les règles, au moment de l’ovulation, et en phase lutéale (après l’ovulation).
  • À chaque séance, leur sang était prélevé pour mesurer les hormones majeures du cycle : estradiol, LH, FSH et progestérone.

Les chercheurs ont ensuite analysé la microstructure de la substance blanche, l’épaisseur du cortex et la répartition des volumes cérébraux grâce à des modèles statistiques sophistiqués.

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Ce que les chercheurs ont découvert...

Les résultats sont saisissants. Plus l’estradiol et la LH augmentaient, plus la substance blanche du cerveau montrait une organisation cohérente des fibres nerveuses, signe d’une meilleure communication interne. La FSH, de son côté, était liée à une plus grande épaisseur corticale, c’est-à-dire un cortex un peu plus « dense » dans certaines régions.

La progestérone, elle, avait un rôle bien particulier : quand son taux augmentait, le volume du tissu cérébral s’accroissait, tandis que le liquide céphalorachidien (LCR) diminuait. Autrement dit, le cerveau ne grossit pas au sens strict, mais il se réorganise dans sa composition interne au gré des phases du cycle.

Ces changements ne se limitaient pas aux zones classiquement sensibles aux hormones, comme l’hippocampe ou le cortex préfrontal. Ils touchaient aussi des régions occipitales et temporales, impliquées dans la vision, la mémoire et l’intégration sensorielle.

Pourquoi est-ce important ?

Ces observations confirment que le cycle menstruel n’est pas qu’une affaire d’utérus ou d’ovaires : il agit jusque dans l’architecture cérébrale. La plasticité du cerveau féminin semble donc intimement liée à ces fluctuations hormonales, ce qui pourrait expliquer pourquoi certaines capacités cognitives ou certains états émotionnels varient d’une phase à l’autre.

L’étude reste toutefois exploratoire : elle ne démontre pas un lien de cause à effet, et elle ne portait que sur des jeunes femmes en bonne santé. Mais elle ouvre une piste majeure : comprendre le rôle des hormones dans la plasticité cérébrale pourrait un jour aider à mieux appréhender certaines vulnérabilités (comme la dépression prémenstruelle) ou au contraire, certaines phases de performance accrue.

En résumé...

Le cerveau féminin vit au rythme du cycle. À chaque phase, il se réorganise, se densifie ou se fluidifie sous l’influence des hormones. Ce n’est pas seulement une image poétique : c’est un constat scientifique appuyé par l’imagerie cérébrale. Une nouvelle preuve, s’il en fallait, que la biologie des femmes est dynamique, complexe, et mérite d’être étudiée avec toute la rigueur scientifique qu’elle exige.


L'alimentation & le cycle
par Gaëlle Etienne